Empathie vs compassion chez le vétérinaire
Temps de lecture : 4 minutes

« La fatigue compassionnelle est un état vécu par ceux aidant les personnes ou les animaux en détresse ; Il s’agit d’un état extrême de tension et de préoccupation avec la souffrance de ceux qu’on aide, au point de créer un stress traumatique secondaire pour la personne soignante. » Dr Charles Figley – Psychologue et professeur d’université.
Même si la recherche montre que les professionnels de santé vétérinaire présentent un risque élevé de fatigue compassionnelle (Roop et Figley 2006), il est possible de réduire ce risque.
L’empathie n’est pas une maladie honteuse ! On peut être empathique et se protéger, c’est cela aussi qui fait de vous un bon vétérinaire. Ce qu’il faut en revanche, c’est vous protéger de l’impact de vos émotions sur vous (et non de vos émotions elles-mêmes).
L’introduction de la vétote à l’aise dans ses bottes

Si les émotions sont si intraitables, vous vous demandez peut-être pourquoi nous en ressentons en permanence et à quoi elles servent. Si on s’en réfère aux neurosciences, si la partie du cerveau traitant les émotions est endommagée, nous devenons incapable de raisonner, de prendre une décision. Fascinant quand on pense que notre monde a longtemps été bercé par un fantasme rationaliste.
J’en profite tout de suite pour ouvrir une petite parenthèse. La thématique des émotions me passionne, tant elles sont insaisissables, propres à chacun et permettent de comprendre beaucoup de choses dans les événements qui nous entourent. Alors si ce sujet vous intéresse et que vous aimeriez lire plus d’articles sur les émotions, contactez-moi par message ou simplement dites-le moi en commentaire et je serai ravie d’exaucer vos souhaits. Fin de la parenthèse et revenons au sujet qui vous a amené jusqu’ici 😊
Entre empathie et compassion, la limite peut vite être franchie dans notre métier de vétérinaire. Nous sommes au contact humain en permanence et il arrive souvent que nos chers propriétaires viennent nous voir dans des situations stressantes, voire d’urgence et que nous ayons des moments très difficiles à vivre avec eux (je pense évidemment au pire, la souffrance de leur animal ou leur fin de vie).
Pour ma part, je suis heureuse que mes propriétaires se sentent accompagnés lors de ces moments hyper douloureux mais je me retrouve souvent submergée par leurs douleurs et je me demande comment faire pour m’en protéger sans devenir une personne détachée et froide ?
Vous vous posez la même question ? Vous êtes au bon endroit. Je vous laisse découvrir les conseils des coachs spécialistes des professionnels de la santé qui connaissent bien cette thématique.
Empathie et compassion : comprendre la nuance.
❤️ L’empathie : ce qu’on éprouve en dedans
C’est la capacité à ressentir les émotions de vos clients et à se mettre à leur place. Vous partagez alors leurs sentiments parce que vous parvenez à vous identifier à eux et à comprendre ce qu’ils peuvent ressentir. La compréhension est la base de l’empathie. L’empathie se traduit par ce type de phrase : « Vous êtes triste pour votre animal et je comprends pourquoi. »
💔 La compassion : souffrir avec autrui
La compassion est le sentiment qui vous porte à être sensible et touché par ce qui arrive à vos clients (leurs douleurs, leur vécu, etc.). Vous êtes immergé par ce qu’il vit comme émotions et vous cherchez des façons de le soulager ou de le consoler. La compassion serait en fait la transformation de l’empathie sous forme d’action. Vous pourriez alors dire « Je comprends votre peine, je vais rester plus longtemps avec vous pour que vous ne soyez pas seul. »
Pourquoi les vétérinaires sont-ils particulièrement à risque de fatigue compassionnelle ?
Carl Jung, psychiatre et psychoanalyste, a identifié les motivations des soignants. L’une des plus grandes peurs du soignant est d’être vu comme égoïste tandis que sa plus grande faiblesse est d’accepter de souffrir le martyr et d’être exploité.
- Les vétérinaires sont exposés de manière directe et journalière aux traumas – la mort, la souffrance animale, les propriétaires en souffrance ou en difficulté financière.
- Nous devons fréquemment gérer des dilemmes éthiques – le stress moral est un gros contributeur de la fatigue compassionnelle.
- Les grosses contraintes pendant les études vétérinaires ainsi que les longues heures de travail en tant que praticien peuvent nous donner l’impression que les besoins personnels sont peu importants ou même inutiles et que ne pas avoir de temps suffisant pour récupérer fait partie du job, tout comme mettre les besoins des animaux avant les siens même si on est épuisé.
- Notre parcours vétérinaire semble souvent être centré autour de l’expertise et de la responsabilité individuelle alors que la majorité des personnes se sentent mieux psychologiquement lorsqu’elles peuvent partager leurs difficultés avec d’autres personnes en qui elles ont confiance.
- Les pères ou mères de famille soignants des animaux toute la journée au travail, doivent rentrer à la maison avec assez d’empathie pour s’occuper de leur(s) enfant(s) et de leur conjoint.
- Au vu des emplois du temps chargés, il est souvent difficile de se trouver des moments pour soi comme le sport, le yoga, la méditation, la lecture …
Évitez la fatigue compassionnelle ou le syndrome d’excès d’empathie
La compassion est essentielle, ne pas en éprouver peut être considéré comme un manque d’humanité. À l’inverse, être trop compatissant peut nuire à votre santé.
Certaines professions, dont la profession vétérinaire, sont plus fréquemment exposées à la souffrance d’autrui dans leur quotidien et un excès d’empathie peut causer des troubles d’anxiété, une perte d’énergie, une sensation de fatigue et de confusion, de la dépression pouvant parfois mener au burn-out (lire l’article sur l’épuisement professionnel vétérinaire pour en savoir plus sur le syndrome de burn-out)…
En effet, si vous vous préoccupez des émotions de vos clients / patients de manière excessive, vous faites passer vos besoins au second plan ce qui mène à un état d’épuisement émotionnel. « À force, votre capacité à ressentir et vous occuper des autres s’érode par la sur-utilisation de vos compétences compassionnelles ». Toute la complexité réside alors dans le fait de trouver le juste milieu.
Développez votre empathie
En tant que vétérinaire, développez votre empathie dans votre cabinet mais gardez la compassion pour votre cercle personnel.
👂 Écouter sincèrement pour comprendre
Écouter sincèrement l’autre c’est s’intéresser réellement à ce que l’autre dit, être pleinement présent, poser des questions, démontrer de l’intérêt, reformuler pour démontrer qu’on a bien compris. Juste être là, attentif et présent …
🙄 Mettre son jugement de côté
C’est terriblement difficile de ne pas juger l’autre, c’est dans la nature humaine d’analyser ce qui se passe selon nos critères personnels, notre propre vécu, nos lunettes personnelles pour regarder et évaluer une situation. Et souvent, notre non verbal s’en trouve affecté. On doit donc mettre de côté cette grille d’analyse personnelle et résister à la tentation de juger, de commenter ou de laisser transparaitre nos propres émotions Cela signifie aussi de taire les conseils qu’on aurait tendance à donner … « Moi, si j’étais à ta place, je ferais ceci ou cela, je lui dirais ceci ou cela… ». Encore là, ces conseils viennent de votre jugement, de votre expérience.
😳 Être attentif au non verbal de l’autre
Le non verbal représente 80% de toute communication. Son observation peut vous apporter des éléments pour mieux percevoir ce que veut vraiment dire votre interlocuteur, s’il est authentique, mal à l’aise … et même s’il vous cache éventuellement quelque chose.
💕 Être à l’écoute de ses propres émotions et de celle de l’autre
Il est capital de bien connaitre ses émotions et surtout les réactions qu’elles peuvent susciter, les manques ou les besoins non assouvis qui les déclenchent. C’est une aide précieuse pour comprendre les réactions et les attitudes de l’autre. Il est normal de ressentir des émotions, il faut donc s’attendre à en ressentir lorsqu’on est en relation avec une autre personne. Si je connais bien les émotions qui peuvent m’envahir, je peux m’entrainer à les accueillir et comprendre ce qui se cache derrière ces émotions. Je demeure ainsi davantage disponible à l’autre, moins centré sur moi, sur mes besoins et sur l’écoute de mes propres émotions.
En tant que vétérinaire, développez votre empathie dans votre cabinet et laissez la compassion pour votre cercle personnel.
Le mot de la fin 
Après avoir lu cet article, vous devriez maintenant bien distinguer ces deux notions. Evidemment, comme ce sujet m’intéresse, je pourrais aller plus loin en vous parlant d’empathie cognitive vs empathie émotionnelle … N’hésitez pas à me dire si ça vous plairait. Et surtout souvenez-vous que la santé des animaux passe par celle du véto 😉
En attendant, si vous souhaitez découvrir comment le cerveau peut parfois nous jouer des tours et comment on peut apprendre à le maîtriser, je vous conseille de lire cet article sur le syndrome de l’imposteur chez le vétérinaire.
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